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Les méditations du chemin de croix à Rambervillers

Voici les « Textes des 14 stations du Chemin de Croix » célébré ce Vendredi saint 2017 à l'église Sainte-Libaire.  L'auteur, Fabrice Hadjadj, est marié et père de six enfants, philosophe, écrivain et dramaturge, membre du Conseil pontifical pour les laïcs, oblat à l'Abbaye Saint-Pierre de Solesmes et directeur de l'Institut d'études anthropologiques Philanthropos à Fribourg en Suisse.

Première Station (I) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus à Gethsémani »

« Et s'étant avancé un peu, il tombe à terre et prie pour que, si possible, cette heure s'éloigne de lui. Il dit : « Abba ... Père ! Tout est possible pour toi, emporte cette coupe loin de moi ! Et pourtant, non pas ce que moi je veux, mais toi ... » (Marc 14, 35-36)

Si nous entrons dans ce chemin de croix sans refus, si nous arrivons à cette première station sans nous cabrer, c'est que nous sommes encore en train de dormir, c'est que nous ne veillons pas avec Jésus. Parce qu'il refuse, lui, il se cabre, il avoue sa résistance. À peine entré au jardin des Oliviers que déjà il tombe à terre. Il supplie que cette coupe s'éloigne de lui. Et ça ne marche pas, non, ça ne fonctionne pas. Cette coupe, il va la boire jusqu'à la lie. La prière du Christ n'a-t-elle donc aucune efficacité ? Elle en a une, et la plus forte. Pas celle de la technique, cependant. Ce n'est pas une efficacité de fonctionnement, mais d'offrande. Ce n'est pas une efficacité de résultat, mais de rencontre : « Non pas ce que moi je veux, mais toi ... » Avant d'obtenir selon ma demande, il s'agit d'être « à toi ». Avant d'arriver à quelque chose, il s'agit d'être à quelqu'un, de rencontrer le Père créateur et rédempteur et, à travers lui, toutes ses créatures blessées. Là est l'agonie, le combat de la prière, la lutte de l'amour : renoncer à ses propres vues pour se laisser prendre par l'autre.

 

Deuxième Station (II) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus trahi par Judas »

« Alors qu'il parle encore, voici une foule, et le nommé Judas, un des Douze, marche à sa tête. Il s'approche de Jésus pour l'embrasser. Jésus lui dit : « Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de l'homme ? » (Luc 22, 47-48)

Nous ne pouvons pas penser la trahison. On se dit que le traître devait être méchant dès le début, qu'il tétait la haine avec le lait de sa mère. Mais si tel était le cas, il ne serait pas vraiment traître. Pour être adultère, il faut d'abord être époux. Pour poignarder en plein coeur, il faut d'abord être ami. Seuls des fidèles peuvent trahir, et nous sommes des fidèles, n'est-ce pas ? Et quand nous atteindrions même à la dignité d'apôtre, nous serions comme Judas, dans la meilleure position pour la plus haute perfidie. De là cette figure dont un quart s'est déjà détourné, dont le regard est déjà borgne, et dont l'oeil qui reste luit à la fois du trouble de la conscience et du malin plaisir d'être devenu à soi-même, lèvres serrées, son propre maître. Car notre oeil peut paraître brillant et intérieur, et sa brillance n'être que celle de l'argent, et son intériorité, celle de l'orgueil.

 

Troisième Station (III) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus condamné par le Sanhédrin »

« Le grand prêtre l'interrogea de nouveau : « Toi, es-tu le Messie, le Fils du Béni ? » Jésus lui dit : « Moi je suis, et vous verrez le Fils de l'homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du Ciel ». Alors le grand prêtre déchira ses vêtements et dit : « Quel besoin de témoins encore ? Vous avez entendu le blasphème. Qu'en pensez-vous ? » Et tous le condamnèrent à mort ». (Marc 14, 61-64)

Le Messie est rejeté par les prêtres qui prêchaient sa venue. Dieu est condamné comme blasphémateur. En retour, nous pouvons nous demander si nos louanges ne sont pas des rengorgements, si nos justices ne sont pas des vanités... Car l'injustice ne vient pas du rejet de toute justice. Mais de notre hâte à nous poser en justiciers. De notre indignation en costume, qui se contente de déchirer ses vêtements. De cette amère connaissance du bien et du mal qui fait toute la défense du premier pécheur : « Ce n'est pas moi, c'est la femme que tu as mise auprès de moi ... ». Aussi l'Annonciation ne peut-elle être d'abord une dénonciation. Jésus ne vient pas pour juger le monde, mais pour le sauver (Jn 12, 47). Ce qui veut dire qu'il ne suffit pas de ne pas juger : il faut encore accepter de se laisser juger, condamner à tort, en montrant que c'est à tort, afin que se manifeste la faiblesse de tout tribunal humain (y compris le sien), et que tous puissent se tourner vers la justice du Père.

 

Quatrième Station (IV) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus renié par Pierre »

« Une petite servante vit Pierre assis près de la lumière, et, l'ayant dévisagé, dit : « Lui aussi était avec lui ». Mais il nia en disant : « Je ne le connais pas, femme ». Peu après, un autre en le voyant déclara : « Toi aussi tu es des leurs ». Pierre répondit : « Homme, je n'en suis pas ». Environ une heure plus tard, un autre insistait : « En vérité, celui-là était avec lui ; d'ailleurs, il est galiléen ». Pierre répondit : « Homme, je ne vois pas ce que tu dis ». Et à l'instant même, comme il parlait encore, un coq chanta » (Luc 22, 56-60)

Les mains de Pierre ne peuvent plus se tendre ni se joindre. Il a mis son visage au milieu pour qu'elles le froissent, le dissimulent, tandis que ses yeux écarquillés s'épouvantent de pouvoir être reconnu ... Quelques heures en arrière, il avait juré : Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller à la prison et à la mort ! Et le voilà qui se dégonfle devant une servante que l'évangéliste se plaît à qualifier de petite. Ainsi nous nous disons prêts au martyre et nous fuyons devant la plus petite contrariété. Nous nous préparons aux grands exploits et nous nous dérobons devant le moindre effort. Durant la nuit, nous avons joué au coq, mais que le vrai coq chante, et nos fanfaronnades se dissipent comme un rêve, et la réalité nous apparaît comme un cauchemar ... mais c'est alors, quand on se découvre impuissant et condamné, que peut s'accomplir l'œuvre de la Grâce.

 

Cinquième Station (V) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus jugé par Pilate »

« Pour la troisième fois, Pilate leur dit : « Quel maI a donc fait celui-ci ? Je n'ai trouvé en lui aucun motif de mort. Je vais donc le châtier puis le relâcher ». Mais eux insistaient à grands cris, réclamant qu'il soit crucifié ; et leurs cris s'amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur demande ». (Luc 23, 22-24)

Pilate est le garant de l'ordre public. Il veut la paix. Il n'ignore pas que cette paix n'est pas une simple absence de troubles. Elle est l'oeuvre de la justice (Is 32, 17). C'est la raison pour laquelle il commence par demander : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Mais craignant, en bas, les débordements de la foule, et - quand celle-ci lui déclare : « Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César » (Jn 19, 12) - redoutant, en haut, la sanction de ses supérieurs, il accepte de faire crucifier l'innocent... « Qu'est-ce que la vérité ? » dit-il à Jésus (Jn 18, 38). En quoi cette notion a-t-elle une importance en politique ? Ne s'agit-il pas plutôt de composer avec des rapports de forces, d'équilibrer l'offre et la demande, de ménager la chèvre et le chou ? Pilate n'est pas comme le grand prêtre qui prétend posséder la vérité : c'est un libéral, un tolérant, un curieux, ouvert à tout vent de doctrine (Ep 4, 14). Dès lors, quand la vérité se présente, elle n'est pour lui qu'un nom parmi d'autres - un nom qui pourra être broyé par le nombre.


Sixième Station (VI) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus est flagellé et couronné d’épines »

« Les soldats le revêtent de pourpre et, ayant tressé des épines, lui ceignent le front de cette couronne. Puis ils se mettent à lui faire des révérences : « Salut, roi des Juifs ! » Et ils frappent sa tête avec un roseau, et ils lui crachent dessus, et, plantant le genou devant lui, ils se prosternent ». (Marc 15, 17-19)

Voici notre roi dans sa puissance, et c'est pourquoi nous pouvons jouer avec lui comme avec une poupée. Le voici dans son autorité, et c'est pourquoi nous le tournons en dérision. Sa souveraineté est telle qu'il est en avance d'une ironie. En le saluant comme roi des juifs, les soldats romains ne croient pas si bien dire. En s'agenouillant, ils ne croient pas si bien faire. Dans cette figure humiliée est la Toute-Puissance. Non pas une puissance qui écrase. Non pas une puissance de ce monde qui s'oppose à d'autres puissances de ce monde. Mais la Puissance créatrice, celle qui crée ces soldats, leur donne la force et la parole, fait place à leur liberté en s'effaçant elle-même dans sa générosité infinie. Et s'ils usent de cette liberté pour le mal, sa grandeur est de ne pas diminuer leur responsabilité, mais de prendre ce mal sur elle, et de leur manifester un jour à quel point ils se sont aveuglés.

 

Septième Station (VII) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus est chargé de sa Croix »

« Quand ils l'eurent bien bafoué, ils le dévêtirent de la pourpre et le revêtirent de ses vêtements. Puis ils l'emmenèrent dehors pour le mettre en croix ». (Marc 15, 20)

Au commencement, Dieu a planté des arbres pour l'homme et la femme, afin qu'ils les cultivent, en cueillent les fruits, les imitent même, puisque « Fructifiez » (Gn 1, 22) est le premier commandement. Et la construction en bois servira encore à accueillir cette fructification humaine : dans l'hébreu biblique, « avoir une postérité » et « bâtir une maison » se disent avec les mêmes mots. Le Verbe en sait quelque chose, lui qui s'est fait charpentier. Il a aimé le bois. Il a déjà porté des poutres pour bâtir des maisons. Mais voilà que sur ses épaules, le bois de fécondité et d'hospitalité s'est changé en bois d'expulsion et de meurtre. Qu'avons-nous donc fait de ces arbres créés pour crier de joie (1 Ch 16, 33) ? Pourquoi avons-nous taillé dans l'arbre de vie un instrument de torture ? Mais celui qui porte ici sa dernière poutre comme un ciel tombé sur sa tête, celui-là reste le charpentier divin. Avec ce bois, il bâtit encore une maison - son Église - rassemblant pour le Père tous ses enfants égarés.

 

Huitième Station (VIII) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus est aidé par Simon de Cyrène »

« Et ils réquisitionnent un passant, Simon de Cyrène, revenant des champs, le père d'Alexandre et de Rufus, afin qu'il porte la croix ». (Marc 15, 21)

C'est un type quelconque, un père de famille qui revient du travail. Il rentre chez lui, sans doute, il reprend sans y réfléchir la voie qui le mène des champs à sa maison, une voie mille fois parcourue dans les deux sens, sur laquelle ses pieds le mènent tout seuls tandis que sa tête reste dans ses pensées – la route routinière, sans cahots, sans surprise. Et voilà que cette route quotidienne débouche sur le chemin de croix. Voilà que ce Simon « lambda », qui n'est même pas Simon-Pierre, se trouve malgré lui pris dans l'Alpha et l'Oméga de l'Histoire. Voilà que son nom voué à l'effacement se trouve soudain inscrit dans les Évangiles, que son passage anecdotique est ressaisi dans la divine tragédie de la Rédemption ... Jésus aurait pu porter sa croix jusqu'au bout. Mais il a voulu être aidé par un autre, n'importe qui, afin que le passant entre dans sa Pâque. Car il ne sauve pas les hommes comme des objets précieux que l'on arrache à la maison en flammes. Il veut les rendre participants de son oeuvre. Dans le grand drame éternel, il n'y a pas de figurant. Personne ne peut se dérober. Et quand nous ne voudrions être que des curieux ou des indifférents, il faut que nous soyons des protagonistes.

 

Neuvième Station (IX) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus rencontre les femmes de Jérusalem »

« Une grande multitude du peuple le suit, ainsi que des femmes qui se frappent la poitrine et font sur lui des lamentations. Se retournant, Jésus leur dit : « Femmes de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ! » (Luc 23, 27-28)

Bien sûr, on a fait venir les pleureuses - les professionnelles de la compassion. Là où Marie demeure sans voix, elles montrent des gestes et des accents poignants. C'est qu'elles ont du métier ! Que de travail pour avoir la larme brillante et le sanglot vibrant ! Pour une somme modique, ces artistes du deuil peuvent donner à un lynchage toute l'émotion qui permet d'en faire un bel exutoire collectif. Mais voici subitement qu'au milieu de leur grande scène, le supplicié se redresse : « Ne pleurez pas sur moi. Pleurez sur vous et sur vos enfants ». Vous leur avez donné la vie pour qu'ils soient grands et heureux. Or, souvenez-vous de ce qui fut dit à cette mère qui voulait asseoir ses enfants à droite et à gauche du Sauveur : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Peuvent-ils boire à la coupe que je vais boire ? » (Mt 20, 22). Alors, soit vos enfants boivent à cette coupe, et vous pouvez pleurer de les voir souffrir pour l'amour, à la suite de Jésus - pleurer et vous réjouir profondément ; soit ils continuent à siroter leurs cocktails, et vous devez pleurer de les voir pourrir dans leur autosatisfaction.

 

Dixième Station (X) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus est cloué sur la Croix »

« Arrivés au lieu dit Le Crâne, ils l'y crucifient avec deux malfaiteurs, l'un à droite, l'autre à gauche. Jésus dit : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font ». (Luc 23, 33-34)

Tout ce que nous faisons de nos mains. Avec elles, nous savons prendre, tenir, jeter, frapper, flatter, lever le poing, pointer de l'index… Les voici - outils des outils - qui viennent au secours de notre nudité et deviennent serres, griffes, cornes, cousent des vêtements, dressent des murs, ouvrent des portes, jouent de la guitare, écrivent des livres. Les voici aujourd'hui qui appuient sur des boutons et prétendent exercer sur le monde une complète mainmise. Les voici surtout au Calvaire, à l'heure de l'action suprême, se servant avec habilité du marteau et des clous pour en fixer deux autres définitivement ouvertes, désarmées, ne pouvant plus rien saisir... Presque tout ce que nous faisons tient dans nos mains, puisque nous manions et manœuvrons et manipulons et manigançons de toutes les manières. Mais ce que nous faisons, nous ne le savons pas. Il faut les mains du Christ pour le manifester. Il faut ces mains clouées, à jamais débarrassées des cadeaux aussi bien que des instruments, impuissantes à prendre et toutes-puissantes à pardonner, nous apprenant enfin que nos mains ne sont pas d'abord des organes de préhension, mais des organes de réceptivité, faits pour accueillir jusqu'à la blessure.

 

Onzième Station (XI) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus promet son Royaume au bon larron »

« L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injurie : « N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous ! » Mais l'autre lui fait de vifs reproches : « Tu ne crains pas Dieu, toi qui subis la même peine ? Pour nous, c'est juste : ce que nous avons commis mérite ce que nous recevons. Mais lui n'a rien fait de mal ». Et il dit : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Règne ». Et il lui déclare : « Amen, je te le dis, aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». (Luc 23, 39-43)

Il n'y a pas que la croix du Christ. Il y a aussi celles des malfaiteurs. À gauche, on apprend qu'un crucifié peut ne pas être une victime. De fait, il arrive que des bourreaux exécutent des criminels, ou que des criminels se tuent entre eux. On meurt alors de mort violente - c'est juste. Et la souffrance alors ne fait pas nécessairement de vous un homme meilleur. Il y faut le repentir. C'est ce qui se révèle à droite : un malfaiteur est le premier à entrer au Paradis. Celui-là avait tout fait pour fuir le Seigneur. Il avait méprisé ses commandements, s'était posté dans des coupe-gorge. Et voici que tout cet effort pour s'éloigner de Dieu le mène en ce lieu, à cet instant, très exactement à la droite de Dieu, à l'heure où s'accomplit le salut. L'Éternel ne l'a pas remis dans le droit chemin. Dans sa miséricorde, et par son repentir, il l'a pris avec son histoire et a changé ses détours et ses déviances en une voie royale.

 

Douzième Station (XII) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus confie sa Mère à Jean »

« Jésus, voyant sa mère, et près d'elle le disciple qu'il aime, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « Voici ta mère ». Et, à partir de cette heure, le disciple la prend chez lui ». (Jean 19, 26-27)

Ici est sans doute la plus grande douleur – mais aussi la plus grande joie. Une chose est d'avoir mal, en effet ; une autre, de voir son mal se répercuter sur le visage de sa mère et « lui transpercer le cœur » (Lc 2, 35). Alors, deux compassions se font face comme deux miroirs, et la douleur est mise en abîme, se creuse à l'infini... La mère peut se dire : « C'est moi, en lui donnant chair, qui ai donné au Fils de Dieu la capacité de souffrir. C'est moi, la cause de la croix. Sans mon fiat à l'Annonciation, ils n'auraient pas pu torturer le Verbe éternel... » Mais voici le Testament. Voici les dernières volontés de Jésus, prononcées depuis la potence. Et ce n'est pas seulement qu'en bon fils, il pense à sa maman qui va rester seule, et la confie à son disciple. Par ces quelques paroles, il révèle le sens profond de sa Passion. La mort paraît triompher, mais c'est la Vie qui est à l'oeuvre. Cette exécution capitale est un engendrement divin. Ces douleurs intenables sont des douleurs d'enfantement. Marie est la Femme en travail. Elle perd le Fils, mais le Fils lui découvre qu'en vérité, ici, au pied de la croix, elle devient Mère - notre Mère dans la grâce.

 

Treizième Station (XIII) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus meurt sur la Croix »

« Il est déjà presque midi et une ténèbre survient sur toute la terre jusqu'à trois heures, le soleil s'étant éclipsé. Le voile du sanctuaire se déchire par le milieu. Alors Jésus pousse un grand cri : « Père, en tes mains, je remets mon esprit ». Et, disant cela, il expire. À la vue de ce qui vient d'arriver, le centurion rend gloire à Dieu : « Réellement, cet homme était un juste ». (Luc 23, 44-47)

Et voici le moment où la croix coïncide avec la gloire. C'est l'éclipse du soleil, et c'est en même temps le grand midi. C'est la déchirure du voile, et c'est en même temps la révélation du sanctuaire. C'est Jésus qui meurt, et c'est en même temps la manifestation de la vie. Car le Christ expire dans un grand cri, mais ce cri est l'articulation éternelle - non pas une parole parmi d'autres, mais la Parole même qu'il est, au plus haut des cieux ... Que fait le Fils unique au sein de la Trinité, dans un acte toujours plus ancien et toujours plus neuf, dans une offrande qui contient et réinvente tous les mondes réels et possibles ? Il remet au Père son Esprit. Il donne l'Amour reçu du Père. Et, maintenant qu'il a pris chair, il assume dans cet Amour, dans le mouvement même de la Vie divine, la création ravagée par le péché. Le premier à être pris, le premier à manifester ce retournement de la croix dans la gloire, c'est un païen, un centurion romain. Celui-là même qui enfonce sa lance jusqu'à crever le sacré cœur, sent soudain, dans son propre cœur, couler l'eau vive.

 

Quatorzième Station (XIV) du Chemin de Croix avec Fabrice Hadjadj : « Jésus est mis au tombeau »

Nous T'adorons, ô Christ et nous Te bénissons, car Tu as racheté le monde par Ta Sainte Croix.

« Alors arrive un membre du Conseil, nommé Joseph ; c'est un homme bon et juste. Il n'a donné son accord ni à leur décision ni à leurs actes. Il est d'Arimathie, ville de Judée, et il attend le royaume de Dieu. Il va trouver Pilate et réclame le corps de Jésus. Puis, l'ayant descendu, il l'enveloppe d'un linceul et le dépose dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne encore n'a été couché. C'est vendredi, et déjà brillent les lumières du shabbat ». (Luc 23, 50-54)

À ceux qui voudraient encore trouver des boucs émissaires et tomberaient exactement dans ce qu'ils dénoncent chez les autres, attention : celui qui prend soin du corps de Jésus est un Judéen, et c'est un riche, et c'est même un membre du sanhédrin ... Avec le centurion, nous avons appris qu'un soldat de César peut accueillir la foi d'Israël. Nous apprenons maintenant que parmi ceux qui prononcèrent la condamnation se trouvaient aussi ceux qui attendent le Royaume. Comme par hasard, celui-ci porte le nom de Joseph - le nom de l'époux de Marie, le nom du père terrestre de Jésus. Aussi est-ce la dernière tendresse du père qui affleure ici, enveloppant le corps du fils mort, lui accordant la sépulture qui aurait dû être pour soi-même... Mais il n'y a plus rien à voir. Le chemin de croix s'achève ici - devant la pierre roulée sur le tombeau. Dieu est mort. C'est certain. Mais c'est pour que nos morts puissent désormais communiquer avec sa vie, et qu'à partir de cette impasse nous ouvrions avec lui, verticales, nos propres voies.

Horaires de messes

Vendredi 29 mars - 18:00 Eglise Sainte-Libaire de Rambervillers
Samedi 30 mars - 21:00 Eglise Assomption ND de Jeanménil
Dimanche 31 mars - 10:00 Eglise Saint-Rémy de Roville-aux-Chênes
Dimanche 31 mars - 10:00 Eglise Sainte-Libaire de Padoux

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